PRIX LITRA 2025 : Un algorithme facilite la planification du réseau ferroviaire

Par Benedikt Vogel, auteur indépendant

Concevoir une infrastructure de transport prend du temps. Aujourd’hui, il peut s’écouler 25 ans et plus entre l’idée initiale et la mise en service d’une nouvelle ligne ferroviaire ou d’un tunnel. Les infrastructures et les extensions de l’offre se distinguent par leur horizon de planification. Tandis que les projets d’aménagement à long terme, tels que l’agrandissement du nœud de Bâle, font d’abord l’objet de discussions, les projets définis dans le cadre de l’étape d’aménagement 2035 (EA 2035) sont nettement plus concrets : ils sont actuellement examinés et priorisés dans le cadre du projet « Transports ’45 »

Des étapes d’aménagement possibles sont, par exemple, le tunnel de base du Zimmerberg et la liaison directe entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, mais aussi l’augmentation des capacités grâce à l’introduction de nouvelles cadences toutes les demi-heures, voire tous les quarts d’heure, sur les grandes lignes.

Figure 1 : La liaison ferroviaire entre Dübendorf et Hinwil est au cœur des travaux de Silvano Fuchs (le périmètre de l’étude est représenté par la ligne rouge en pointillés). © Silvano Fuchs

Le regard tourné vers l’avenir

Planifier à long terme est une tâche complexe, marquée par de nombreuses incertitudes. Qui aurait pu prévoir en 1950 que 75 ans plus tard, la NLFA, la nouvelle ligne ferroviaire Mattstetten-Rothrist ou la gare souterraine de Zurich seraient en service ?

Les planificateurs qui se projettent aujourd’hui en 2100 sont confrontés aux mêmes incertitudes. À si long terme, il semble presque impossible de prévoir des facteurs d’influence tels que le comportement en matière de transport, l’évolution démographique, les ressources financières disponibles ou les orientations politiques.

Soutenir la planification à long terme sur la base de données prévisionnelles : tel est l’objectif d’un travail de master que Silvano Fuchs a soutenu avec succès en juillet dernier à l’Institut de gestion de la construction et des infrastructures de l’ETH Zurich (chaire de gestion des infrastructures du professeur Bryan Adey).

Le travail portait essentiellement sur le développement d’un outil logiciel proposant différentes variantes d’aménagement du réseau ferroviaire et les évaluant en fonction de leur utilité. Les algorithmes utilisent le langage de programmation Python. Silvano Fuchs a développé un prototype sur la base de travaux antérieurs.

Figure 2 : L’algorithme développé par Silvano Fuchs a identifié différentes relations sans liaison directe (en pointillés rouges) à l’intérieur et à la périphérie du périmètre d’étude. © Silvano Fuchs

Recherche et évaluation des options d’aménagement

Pour son travail, Silvano Fuchs a choisi à titre d’exemple un périmètre de planification le long de la ligne ferroviaire Dübendorf–Hinwil, dans le canton de Zurich (cf. figure 1). Ce cas exemple permet d’illustrer concrètement l’utilisation de l’outil de planification : dans un premier temps, l’algorithme recherche les options d’aménagement possibles pour le réseau ferroviaire, sans tenir compte, à ce stade, de la rentabilité économique.

Concrètement, l’outil a déterminé les gares au sein du périmètre de planification entre lesquelles il n’existe aucune liaison directe (cf. figure 2). Ainsi, entre Kempten et Bubikon, les voyageurs doivent effectuer une correspondance à Wetzikon, et entre Illnau et Kempthal, à Effretikon.

Figure 3 : La colonne rouge indique les avantages supplémentaires pour la période de 2050 à 2100, calculés par l’outil pour la liaison directe entre Kemptthal et Illnau, en tant que moyenne des 100 scénarios simulés. Afin de quantifier les avantages, chaque gain de temps de trajet est associé à une valeur monétaire. Les colonnes bleues situées en dessous indiquent les coûts actualisés pour la construction, l’entretien et l’exploitation pour chaque nouvelle liaison directe et pour la même période de 50 ans. Les flèches rouges signalent les tronçons à construire (courbes de raccordement). © Silvano Fuchs

Dans une deuxième étape, ces liaisons directes, et de nombreuses autres, ont été évaluées à l’aide d’une analyse coûts-bénéfices automatisée : pour ce faire, l’outil calcule pour chaque option d’aménagement les coûts de construction, d’entretien et d’exploitation, mais aussi les bénéfices tels que l’augmentation du nombre de passagers et le gain de temps de trajet.

Pour pouvoir quantifier les bénéfices potentiels de chaque option d’aménagement, Silvano Fuchs s’appuie sur 100 scénarios possibles concernant l’évolution future de la croissance démographique, de la répartition modale et des temps de trajet quotidiens jusqu’en 2100. Pour chacun des 100 scénarios, l’ordinateur calcule les bénéfices potentiels de chaque option d’aménagement (cf. graphique 3).

Figure 4: L’outil propose trois liaisons directes au sein du périmètre étudié : Pfäffikon (ZH) – Illnau – Winterthour avec une courbe de raccordement à Effretikon (rouge), Uster – Dübendorf – Winterthour avec une courbe de raccordement à Dübendorf (vert), ainsi que Pfäffikon (ZH) – Rapperswil (bleu). © Silvano Fuchs

Liaisons directes vers Winterthour

« À la fin de ce processus, l’outil indique les options d’aménagement susceptibles d’apporter le plus grand bénéfice à un coût raisonnable », explique Silvano Fuchs. « Ces propositions d’aménagement prioritaires peuvent être prises en compte par les planificateurs dès les premières étapes de la planification du réseau et étudiées plus en détail. »

Dans le cas étudié, l’outil a identifié trois variantes d’aménagement particulièrement prometteuses parmi les 33 examinées (cf. figure 4). Les deux premières variantes sont des liaisons directes vers Winterthour, soit depuis Pfäffikon (ZH) – avec une nouvelle courbe de raccordement près d’Effretikon – soit depuis Uster – avec une nouvelle courbe de raccordement près de Dübendorf.

À ce sujet, Silvano Fuchs écrit dans son travail de master : « L’évaluation a montré que, dans les conditions actuelles, environ 6700 trajets seraient déjà effectués quotidiennement via cette liaison. À l’avenir, ce chiffre devrait continuer d’augmenter en raison de la hausse de la demande et d’un changement de la répartition modale en faveur des TP. »

La troisième liaison directe proposée relierait Pfäffikon (ZH) à Rapperswil. Une ligne de RER pourrait être réalisée sur ce trajet sans aménagement de l’infrastructure. En combinant les variantes d’aménagement Winterthour-Pfäffikon (ZH) et Pfäffikon (ZH)-Rapperswil, la durée du trajet entre les agglomérations en forte croissance de Winterthour et de l’Obersee pourrait passer de 50 minutes aujourd’hui (avec deux correspondances) à 40 minutes (sans correspondance).

Comment générer et évaluer algorithmiquement des variantes d’aménagement afin de permettre des décisions solides concernant les futurs projets ferroviaires ? Silvano Fuchs présente ses résultats dans le cadre de la remise du Prix LITRA 2025. © LITRA

Poursuite du développement en vue d’une mise en œuvre pratique

Silvano Fuchs souligne que ces propositions ont confirmé la viabilité de son outil. Les propositions ne doivent toutefois pas être considérées comme des recommandations de mise en œuvre. Il s’agit plutôt d’options d’aménagement prometteuses, qui nécessitent une étude plus approfondie.

Cet outil peut être utilisé pour n’importe quel réseau ferroviaire, pourvu que les données nécessaires soient disponibles. Selon Silvano Fuchs, des améliorations méthodologiques restent toutefois nécessaires dans la génération et l’évaluation des variantes d’aménagement avant que cette utilisation ne soit pleinement envisageable. À l’heure actuelle, le prototype ne prend pas encore en compte des paramètres essentiels comme les améliorations des horaires, le matériel roulant ou la capacité des lignes.

Par ailleurs, l’évaluation coûts-bénéfices devrait également prendre en compte d’autres facteurs, tels que la consommation d’espace ou le niveau de bruit. En outre, une interface utilisateur graphique garantissant la facilité d’utilisation doit être créée afin de permettre son utilisation dans la pratique de la planification.

Silvano Fuchs

« Enfant, les chemins de fer me fascinaient déjà», raconte Silvano Fuchs, qui a grandi à Neuhausen am Rheinfall et vit aujourd’hui à Zurich. Cet enthousiasme l’a sans doute incité à suivre la filière « Développement territorial et systèmes d’infrastructure » à l’ETH Zurich. Au début de l’été 2025, le jeune homme de 25 ans a terminé ses études par un travail de master qui lui a valu le Prix LITRA 2025.

« Je suis heureux d’avoir reçu cette distinction, car elle contribue également à faire connaître mon étude au grand public et à éviter qu’elle ne finisse au fond d’un tiroir », affirme Silvano Fuchs. Cette étude revêt également une importance pratique pour lui-même : Silvano Fuchs travaille actuellement à la planification de l’offre de bus pour la communauté de transport de Lucerne. Il peut y mettre à profit les connaissances acquises pendant ses études.

Fuchs, S. (2025), Algorithmusbasierte Entscheidungsunterstützung für die Planung des SBB-Bahnnetzes bis 2100, travail de master, ETH Zürich, Zürich.

Le Prix LITRA 2025 : Martin Candinas, président de la LITRA, Ann Hesse, Silvano Fuchs, Julien Nippel, Mélina Errichelli et le conseiller fédéral Guy Parmelin. © LITRA

Prix LITRA 2025 : qu’il s’agisse du transport de passagers ou du trafic de marchandises, les jeunes talents des TP font bouger la mobilité en Suisse

Lors d’une cérémonie de remise des prix de la LITRA à Berne, le conseiller fédéral Guy Parmelin a remis leur trophée aux lauréats de cette année et salué leur grand engagement en faveur de la mobilité en Suisse.

Silvano Fuchs, Mélina Errichelli, Julien Nippel et Ann Hesse ont été récompensés.

Prix LITRA 2025