17. 10. 2024

Prix LITRA 2024 : Le réseau ferroviaire – regrouper pour plus d’efficacité

Chaque année, la Confédération investit 3,5 milliards de francs dans l’entretien et la modernisation de l’infrastructure ferroviaire afin de répondre aux besoins spécifiques. Un regroupement temporel permettrait éventuellement d’exécuter les travaux d’entretien et de remise en état de manière économique et adaptée aux clients. C’est l’idée directrice d’un travail de bachelor réalisé à la Haute école zurichoise des sciences appliquées, lequel a été récompensé du Prix LITRA 2024.

Dans son travail de bachelor à la ZHAW, le lauréat Livio Andina se demande si un outil numérique permettrait de mieux planifier et regrouper les travaux d’entretien. © LITRA

Par Benedikt Vogel, auteur indépendant

L’entretien et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire sont des tâches à long terme, visant à maintenir et à accroître l’attractivité du transport ferroviaire. En plus d’importantes mesures d’aménagement, l’intérêt public s’est progressivement concentré sur le maintien de la substance au cours des dernières années. À eux-seuls, les CFF comptent environ 20 000 chantiers chaque année. La grande majorité de ces chantiers sert à l’entretien, tandis que 1 500 à 2 000 sont liés à des projets de remise en état et de rénovation. Cet énorme effort financier et logistique est indispensable pour maintenir l’infrastructure des CFF en bon état. Selon le rapport sur l’état du réseau 2023, l’état général actuel serait « bon à suffisant ».

Une planification optimale des travaux de maintien de la substance

La société Schweizerische Südostbahn AG (SOB), dont le siège se situe à Saint-Gall, est confrontée à la même tâche herculéenne, à une échelle réduite. Avec 145 kilomètres de voies et 182 aiguillages, l’entreprise ferroviaire exploite le troisième plus grand réseau à voie normale de Suisse. Les installations d’infrastructure ont une valeur de remplacement de 2,2 milliards de francs, dont la moitié environ est constituée de 192 ponts et 19 tunnels. Grâce à des investissements ciblés, les besoins identifiés il y a une dizaine d’années dans le domaine de la rénovation des voies de roulement ont entre-temps pu être complètement traités. Le réseau de la SOB est aujourd’hui en « bon » état.

« Contrairement aux CFF, le réseau de la SOB a une infrastructure plus restreinte et donc mieux gérable. Néanmoins, la planification financière et logistique optimale des mesures de maintien de la substance, c’est-à-dire des travaux d’entretien réguliers et des projets de remise en état plus importants, est un véritable défi », explique Livio Andina. Chez la SOB, le responsable de la gestion du portefeuille, âgé de 25 ans, s’occupe entre autres des cycles de vie des voies, des lignes électriques, des barrières et des ouvrages ferroviaires, ou encore des quais et des panneaux d’affichage ainsi que d’autres installations ferroviaires. En été 2024, il a terminé son travail de bachelor dans la filière Systèmes de transport à la Haute école des sciences appliquées de Zurich. Dans le contexte de ce travail, il a développé un outil logiciel qui calcule s’il est plus économique de réaliser deux projets de maintien de la substance séparément ou de les regrouper dans un projet global.

Copie d’écran de l’outil de Livio Andina pour le regroupement numérique des projets d’investissement. Les trois colonnes montrent les coûts de deux projets de remise en état : à gauche sans regroupement des travaux, au centre et à droite avec regroupement à deux moments différents A et C. © Andina

Le regroupement est souvent efficace

Aujourd’hui, il est préférable de regrouper plusieurs projets dans la mesure où les travaux d’entretien et de remise en état tendent à augmenter, et où les délais disponibles pour leur réalisation sont courts afin d’éviter autant que possible de perturber le trafic ferroviaire. Jusqu’à présent, l'on hésite encore de regrouper les projets de remise en état, et ils sont réalisés sans méthode rigoureuse : en effet, un remplacement prématuré d’une installation, c’est-à-dire avant la fin de sa durée de vie, peut être problématique d’un point de vue économique, et une utilisation prolongée risque de provoquer des défaillances coûteuses.

Le nouvel outil est conçu pour comparer les avantages et les inconvénients financiers d’un regroupement, avant de proposer l’approche la moins coûteuse ainsi qu’une date de mise en œuvre. Les données de base sont extraites du plan d’investissement qui répertorie tous les projets de remise en état prévus, y compris la période de mise en œuvre, l’état de la planification et les coûts. Il associe alors ces données à celles de la base de données des installations où sont répertoriés l’année de construction, la valeur de remplacement, la durée d’utilisation et d’autres indicateurs de toutes les installations ferroviaires du gestionnaire d’infrastructure. À partir d’un projet de référence choisi au gré des responsables de la planification, l’outil propose tous les projets d’investissement planifiés entrant en ligne de compte pour un regroupement.

Validé avec succès sur des études de cas

Afin de valider ce nouvel outil de planification, l’auteur du travail, Livio Andina, l’a appliqué à quatre projets de remise en état et de modernisation actuels de la SOB. « Dans trois cas, l’outil a opté pour un regroupement, et contre un tel procédé dans le quatrième cas ; l’outil a donc pris la même décision que celle prise indépendamment par les spécialistes de la planification de la SOB », explique Livio Andina. L’outil a par exemple regroupé la rénovation de la voie et de l’alimentation électrique sur le tronçon Samstagern – Schindellegi, mais a exclu l’aménagement des infrastructures destinées au public, y compris le poste d’aiguillage de la gare de Schindellegi, du regroupement.

Les études de cas ont confirmé la pertinence de l’outil dans le domaine prévu. Ce faisant, l’outil logiciel travaille nettement plus rapidement que l’Homme: il produit ses résultats en quelques minutes, tandis que les planificateurs disposant de peu de soutien numérique ont parfois besoin de plusieurs jours pour effectuer les mêmes clarifications.

Pour le renouvellement du courant de traction et de la voie Biberbrugg – Einsiedeln, l’outil a recommandé un regroupement, et donc la même procédure que celle jugée conforme aux objectifs par les spécialistes de la SOB indépendamment de l’outil. © Andina

Certains critères ne sont pas remplis

Parallèlement, les études de cas ont mis en évidence les limites de l’outil dans sa configuration actuelle : en effet, lors de la décision pour ou contre un regroupement, des critères dont l’outil ne tient pas compte sont appliqués dans la pratique. Ainsi, pour donner un exemple, le renouvellement des installations de courant de traction et de la voie sur la ligne Biberbrugg – Einsiedeln sera certes effectué de manière groupée, mais avec un an d’avance sur les recommandations de l’outil. La raison : un aménagement de la double voie avec fermeture de la ligne est prévu sur un tronçon de raccordement en 2027 – 2028. Par conséquent, il est logique de mettre en œuvre les mesures sur le tronçon Biberbrugg – Einsiedeln pendant la même année.

Livio Andina souhaite poursuivre le développement de l’outil. Pour atteindre sa pleine pertinence dans la pratique, il devrait à l’avenir intégrer, outre la rentabilité par rapport aux cycles de vie des installations, d’autres aspects tels que les restrictions d’exploitation interrégionales, la durée prolongée des projets regroupés, les questions logistiques telles que l’espace nécessaire ou encore la disponibilité des ressources humaines et matérielles. Il serait en outre souhaitable de prendre davantage l’état réel de l’installation en compte à l’avenir, et pas uniquement l’état supposé calculé à partir de la durée d’utilisation.

L’entretien et la remise en état des installations ferroviaires sont une tâche à long terme, et pas seulement pour la société SOB. © Schweizerische Südostbahn AG (SOB)

Les CFF travaillent avec des clusters d’entretien

Chez les CFF, le regroupement, et en particulier celui des travaux d’entretien, est déjà une pratique courante. Au sein du programme UP 2.0, les travaux sont regroupés dans ce que l’on appelle des « plages d’entretien ». « Notre objectif est de réaliser 50 pour cent des travaux d’entretien dans ces clusters », explique Moritz Weisskopf, porte-parole des CFF, avant d’ajouter : « Concernant les projets d’investissement, l’objectif à moyen terme est de les mettre en œuvre simultanément chaque année dans le cadre de quatre à six projets dits cluster, afin de les regrouper. Le principe n’est pas nouveau, la nouveauté réside dans la systématisation de la méthode. » Les CFF apprécient beaucoup les idées que Livio Andina a développées dans son travail de bachelor. « Nous serons ravis d’étudier ce document et de nous en inspirer », soulignent les CFF.


Livio Andina

Fils d’un agent technico-commercial et d’une employée de commerce, Livio Andina a grandi à Wollerau (SZ). Après une formation commerciale, il a suivi à temps partiel, parallèlement à son activité professionnelle, le cursus de quatre ans « Systèmes de transport » (aujourd’hui « Mobility Science ») à la School of Engineering de la ZHAW à Winterthour. Il a obtenu son bachelor en juin 2024. Pendant ses études, Livio Andina a rejoint la Schweizerische Südostbahn pour un stage. Il y a découvert le thème du maintien de la substance, sur lequel il a finalement rédigé son travail de bachelor, sous la direction du Dr Thomas Herrmann de l’Institut d’analyse des données et de conception des processus. « Le Prix LITRA représente pour moi la reconnaissance des efforts qui se cachent derrière mon travail », déclare l’expert des chemins de fer, aujourd’hui âgé de 25 ans. -> Plus d’informations sur le Prix LITRA 2024