04. 02. 2020
04. 02. 2020
Comment smartrail 4.0 accroît l’efficacité du rail
La demande de transport par rail augmente sans cesse en Suisse: tandis que l’on recensait 322 millions de passagers en 2008, ils étaient déjà 450 millions dix ans plus tard. Le parlement suisse a donc autorisé la construction de nouvelles infrastructures dans l’étape d’aménagement 2035, pour un montant de 12 milliards de francs. Outre ces aménagements, l’efficacité et l’efficience doivent progresser sur le réseau existant. Avec le programme smartrail 4.0, l’ensemble du secteur ferroviaire suisse travaille sur les possibilités d’utilisation de la numérisation pour une efficience accrue, des coûts plus bas, une meilleure ponctualité et des capacités plus importantes. Un article de Marc Vetterli.
Nous vivons à l’ère de la numérisation. Afin que la Suisse, le pays du train, en profite de manière optimale, le secteur ferroviaire national a lancé en 2017 le projet smartrail 4.0, qui poursuit 5 objectifs principaux:
- Augmentation de 15% à 30% des capacités sur le réseau existant;
- Amélioration de la sécurité, en particulier lors des manœuvres et des travaux;
- Meilleure disponibilité des installations de sécurité pour moins de perturbations et une ponctualité plus élevée;
- Capacité élevée de radiodiffusion de données pour la clientèle;
- Réduction de 450 millions de francs du coût annuel pour la production ferroviaire (CFF uniquement; infrastructure et véhicules).
La réalisation de ces objectifs ambitieux s’appuie sur plusieurs sous-programmes. Ils doivent accroître fortement l’efficience sur le réseau existant et donc limiter à long terme la nécessité de développer des infrastructures.
Plus de trains sur le même nombre de voies
Aujourd’hui, les trains circulent sur des parcours avec des segments de tronçon (block ou cantonnement) fixes, ce qui signifie qu’un seul train peut se trouver sur un block à un moment donné. Des signaux extérieurs indiquent au conducteur s’il peut pénétrer sur le block suivant. Tant que le block est occupé, le signal reste rouge pour les trains suivants, même s’il y aurait assez de place. Cela réduit les capacités. Un point central de l’augmentation de l’efficience, et donc des capacités, est de réduire les distances entre les trains pour que davantage de trains puissent circuler sur le même tronçon. Les CFF tentent déjà aujourd’hui, avec la «conduite adaptative», de faire rouler les trains de manière plus fluide et avec des écarts constants, afin d’augmenter la ponctualité. Nous l’avons déjà évoqué dans un article LITRA du 17 mai 2018. Cette approche doit être encore renforcée avec smartrail 4.0. À l’avenir, des «moving blocks», donc des écarts de sécurité dynamique et mobiles, seront fixés entre les différents trains, réduisant nettement le nombre de signaux nécessaires. En pouvant faire circuler les trains avec des écarts toujours plus petits, la capacité du tronçon augmente de jusqu’à 30%. Il n’existe toutefois pas encore de système de ce type au niveau européen pour les grands réseaux ferroviaires: Tandis que le système European Train Control System (ETCS) Niveau 2 avec des blocks fixes est déjà en service, l’ETCS Niveau 3 envisagé sans blocks fixes est encore en développement. Le développement d’un système de contrôle de la marche des trains se poursuit dans le sous-programme «Appareil d’enclenchement ETCS».
Les informations correspondantes seront à l’avenir directement transmises au conducteur et sur l'ordinateur dans la cabine de conduite. Les «moving blocks» nécessitent toutefois que le train ne soit plus localisé uniquement ponctuellement, mais qu’une localisation exacte en continu soit possible. Ceci reste un défi particulier, car l’ensemble du train, de la tête jusqu’au dernier wagon, doit pouvoir être localisé exactement sur la voie. Différentes approches de localisation sont donc testées dans le sous-programme «Localisation, connectivité et sécurité» (LCS). L’objectif actuel est une combinaison de navigation par satellite, navigation inertielle et mesure de voie parcourue (odométrie). La transmission continue de la position génère de grandes quantités de données que le réseau de communication mobile actuel ne peut absorber. À l’avenir, le nouveau réseau de radiotéléphonie ferroviaire FRMCS (Future Railway Mobile Communication System) devrait aider en remplaçant le GSM-R (Global System for Mobile Communications – Railway).
Le nouveau système avec «moving blocks» et transmission directe des signaux à la cabine de conduite devrait permettre de réduire de jusqu’à 70% les équipements en voie, en clair: disparition des signaux, seuls les aiguillages et les barrières de passages à niveaux resteront. Il est alors non seulement possible d’augmenter les capacités, mais aussi de réduire les frais d’investissement et d’entretien. Le nombre des perturbations peut probablement aussi reculer.
Aucun train sans conducteur
Afin que les trains puissent respecter les distances flexibles entre eux, le sous-programme «Automatic Train Operation» (ATO) examine la manière d’automatiser la conduite des trains. À terme, le train doit rouler avec un système d’assistance. Un système assure la régulation de la vitesse pendant la marche et, éventuellement, la gestion des portes en gare. Les trains peuvent ainsi toujours circuler en maintenant une distance optimale entre eux. Le conducteur reste responsable de la sécurité et doit pouvoir reprendre en mains la conduite à tout moment.
Sur le fond, l’ATO cherche à atteindre une réduction de la variance de conduite, une meilleure utilisation des capacités actuelles du réseau ainsi qu’une conduite optimisée à la situation avec un effet positif en termes de ponctualité et de stabilité du réseau. Les trains circuleront de manière automatisée au 2ème degré d’automatisation (GoA2), mais pas sans conducteur. La Südostbahn a ainsi déposé en octobre 2019 auprès de l’Office fédéral des transports une demande pour des essais techniques et d’exploitation de trains automatisés. L’exploitation automatisée sur l’infrastructure actuelle (ETCS Niveau 1/Supervision limitée) sera testée la nuit entre décembre 2019 et mai 2020, puis de jour jusqu’à la fin 2020. Des trains à conduite automatisée seront testés sur des liaisons régulières pendant un an sur un tronçon particulier à partir du changement d’horaire 2020. L’essai est conçu comme un ballon d’essai pour l’ensemble du secteur. Ses résultats serviront pour le premier déploiement partiel d’une solution ATO à partir de 2025. Les sous-parties présentées seront complétées, entre autres, par le système "Traffic Management System": un système cohérent développé pour optimiser automatiquement les horaires et gérer l’exploitation ferroviaire ainsi que les informations fournies à la clientèle.
La réalisation de smartrail 4.0 ne sera pas facile: De la difficile localisation des trains à la transformation complexe du système actuel vers ETCS Niveau 3, en passant par le nouveau standard de radiotéléphonie mobile, les défis sont importants.
Une chance et d’importants défis
Smartrail 4.0 offre l’opportunité d’accroître encore l’efficience sur le réseau ferroviaire. Les capacités peuvent augmenter et les charges d’exploitation diminuer. De plus, l’ensemble peut permettre d’améliorer la bonne ponctualité. Des années passeront toutefois encore avant l’exploitation entièrement automatisée du chemin de fer, avec des trains automatisés et sans signaux le long des voies. Et même avec smartrail 4.0, des conducteurs de locomotive continueront de nous accompagner pour traverser la Suisse en toute sécurité.
À propos de l’auteur:
Marc Vetterli a étudié l’urbanisme, les transports et l’aménagement du territoire à l’HSR de Rapperswil et travaille actuellement comme concepteur dans l’équipe sur les stratégies de mobilité chez ewp AG à Effretikon. Il écrit régulièrement pour le blog de la LITRA.
Bibliographie
sbb (2008): Geschäftsbericht 2008. sbb.
VÖV (2018): Fakten & Argumente. Zum öffentlichen Verkehr der Schweiz.